Chapelles de Pietracorbara
Autant de chapelles que de hameaux : à Pietracorbara, comme dans d’autres communes du Cap Corse, chaque hameau possède son lieu de culte. Restaurées pour certaines, en cours de restauration pour d’autres, voire transformée en bibliothèque, les chapelles racontent l’histoire de la vallée et de ses habitants. Deux associations sont mobilisées pour la restauration et la mise en valeur des lieux cultuels de Pietracorbara : « Chapelles de Pietracorbara » et le « Chemin de Lumière ». Au printemps 2023, l’association des chapelles a lancé l’opération « Le printemps des chapelles » que vous pouvez retrouver sur ce site. De plus, avec son autorisation, nous empruntons à Chemin de Lumière des éléments historiques sur les différentes chapelles de la vallée.
Saint-Antoine de Padoue
La première chapelle que l’on peut découvrir de l’extérieur est Saint-Antoine de Padoue. Elle est située dans le petit hameau de Saint-Antoine, à moins d’un kilomètre de la plage. La construction de cet édifice sobre et bien proportionné a été décidée après la destruction par les nazis, en septembre 1943, du premier lieu de culte dédié à Saint-Antoine. Il était situé sur l’actuel parking sud de la plage.
L’intérieur de la chapelle est vaste. Une belle statue de Saint-Antoine, avec son lys et portant l’enfant Jésus, trône non loin de l’autel. Des ex votos remontants aux années 50, 60 et 80 montrent que la chapelle était fréquentée durant ces années-là ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Saint-Léonard
La chapelle dédiée à saint Léonard – San Leonardu– (Léonard de Port Maurice, franciscain originaire des environs de Gênes, débarque à Bastia en 1744) a été construite, vraisemblablement au XIXe siècle et restaurée en 2008. Elle est posée au bord de la route départementale 232 à mi-chemin entre la plage et les hameaux. La bâtisse est petite et harmonieuse dans ses proportions. Un auvent en ciment, patiné par le temps, allonge le bâtiment et lui donne un aspect accueillant avec ses bancs de pierre placés des deux côtés de la porte d’entrée.
Le parvis possède, en son centre, une mosaïque en galets roulés Ils indiquent, notamment les quatre points cardinaux. La chapelle a une particularité : elle est orientée nord-sud (le célébrant regarde le nord). La pierre qui marque l’est -là le soleil se lève, et, pour les chrétiens, la Lumière du Christ et la direction de Jérusalem- a été ramenée de Terre Sainte, de Nazareth précisément. Dans l’axe de la croix centrale, au nord et au sud, deux petits galets ronds proviennent du Lac de Tibériade. Au centre de la mosaïque, écrit en galets blancs « Je suis le chemin » tiré de l’Evangile selon saint Jean : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (chapitre 14, verset 6).
L’intérieur de la chapelle est sommaire. Un simple autel, deux niches latérales, une statue de saint Léonard : tout est ici sobriété, voire austérité, franciscaines. A noter le beau dallage en pierres de Brando avec la croix centrale qui, elle aussi, indique les quatre points cardinaux.
Sainte-Catherine d’Alexandrie
Sainte Catherine d’Alexandrie –Santa Catalina– a un sanctuaire à l’Ornetu. C’est une chapelle très ancienne : un document trouvé sur place fixe la date de la consécration du lieu à 1755. Dans la niche, à gauche de l’autel, se trouve une statue de la sainte destinée à être portée en procession. Il y a aussi une roue, allusion aux supplices qu’elle a subis. Le tableau au-dessus de l’autel, représente le mariage mystique de la sainte. On y voit l’enfant Jésus lui passer un anneau au doigt. Sainte Catherine (morte en 310 et que l’on fête le 25 novembre) porte une palme, attribut du martyre.
Le pavement de la chapelle est original. Il est composé de dalles d’ardoise de Gênes taillées en octogones et de cabochons de marbre blanc.
Sainte-Catherine, entièrement restaurée en 2011, est ouverte durant l’été. Les visiteurs qui s’y arrêtent peuvent y consigner leurs impressions dans un livre d’or.
Saint-Antoine l’Ermite
Elle est située entre les hameaux d’Oreta suprana et Oreta suttana. Elle semble dater du XVIe siècle. Depuis 2012 elle a été transformée en bibliothèque ouverte à tous et tenue par l’association La licorne. Cette transformation se veut provisoire.
Saint-Roch
La chapelle Saint-Roch –San Roccu– est située à Pietronacce, en haut des escaliers qui montent de Selmacce. Ces escaliers sont d’ailleurs empruntés tous les 16 août par les participants à la procession qui parcourent les venelles des deux hameaux. Saint Roch trône à la croisée des chemins. Patron des bergers et des troupeaux, le saint est très populaire dans le bassin méditerranéen. Il existe par exemple, pour le célébrer, de petits pains ronds appelés « pains de Saint-Roch » qui sont bénis lors de la fête paroissiale. Mais avant d’être dédiée à saint Roch, la chapelle avait un autre saint protecteur : saint Sébastien connu pour protéger la population des mauvaises fièvres et, en particulier, de la malaria.
Austère à l’extérieur, et mal mise en valeur par son positionnement, la chapelle est, à l’intérieur, d’une saisissante beauté. C’est un vrai bijou de style « baroque rural » avec ses murs travaillés au pochoir, sa voûte en coffrage de bois, sa grille de chœur joliment ouvragée, son autel modeste mais bien proportionné et décoré avec application. Un émouvant tableau, de facture un peu brute, montre un saint Roch flanqué de son fidèle chien à la tête minuscule. A ses côtés, un saint Sébastien bardé de flèches paraît inspiré de Botticelli.
L’édifice a été, semble-t-il, agrandi en 1885 : la population des hameaux est, à cette date, en forte augmentation. En 2013 la chapelle est entrée dans une phase de restauration extérieure qui doit lui rendre son lustre passé.
Saint-Césaire
A Curtina, saint Césaire –San Cesario-, évêque d’Arles qui vécut au VIe siècle, a donné son nom à la plus ancienne des chapelles encore debout dans la vallée (1030). L’abbé Pierre Lhostis, qui s’est penché sur les différents édifices religieux de la commune dans ses « Bribes d’histoire locale, 1100 à 1960 », présente cette chapelle comme le pendant de Saint-Michel de Sisco, posée sur un lieu escarpé afin de se défendre des incursions sarrasines et barbaresques qui ont dévasté le Cap jusque dans la première moitié du XVIIIe siècle. Saint-Césaire est orientée d’ouest en est. Geneviève Moracchini-Mazel, dans son ouvrage sur « Les églises romanes de Corse » insiste sur la gémellité historique et architecturale entre ces deux bâtiments. « On voit, écrit-elle, que toutes les pierres longues et minces sont taillées comme celles de San Michele de Sisco mais qu’elles ont été replacées tant bien que mal dans une réfection totale du mur maçonné en « terra rossa ». La tradition orale rapporte que les deux sanctuaires dépendaient du curé de Sisco jusqu’au XVIIIe siècle.
Une pierre gravée, encore visible à droite de l’entrée principale indique la date du 26 mars 1472. Il ne s’agit pas de la date de la construction, mais de celle d’une plaque mortuaire que les maçons ont découverte dans une partie effondrée du bâtiment et qu’ils ont repositionnée sur le mur extérieur. L’intérieur de l’édifice, souvent remanié –l’abside primitive a, par exemple, disparu- a été totalement réaménagé au milieu du XIXe siècle et restauré selon les canons du style baroque. Quelques tableaux et ex-voto sont accrochés aux murs. Le bénitier à double vasque est une curiosité.
L’abbé Lhostis donne une indication précieuse : à la fin du XVIIIe siècle, 400 cierges étaient distribués (et vendus) aux paroissiens le 1er dimanche de Carême.
De Saint-Césaire, on aimera aussi le toit moussu qui fait face à l’horizon et le clocheton bien conservé à la hauteur de la trouée bleue, entre ciel et mer. Pour avoir cette vision de la chapelle, il faut grimper sur le talus situé derrière le bâtiment.
Saint Guillaume
Elle est en ruines depuis un demi-siècle. Il ne reste plus aujourd’hui que quatre murs sans toit. Des arbres ont poussé au milieu du chœur. Une inspection minutieuse de l’intérieur ne laisse apparaître aucun signe religieux. Pourtant, on dispose encore de photos (notamment prise au début du XXe siècle) qui montrent toute l’importance de cette chapelle pour les habitants de Lapedina. Les cérémonies du Vendredi Saint se déroulaient sur le parvis de cette chapelle. Les processionnaires y faisaient halte avant de s’engager dans le chemin di a Croce (le chemin de la croix ou de croix) et rejoindre la chapelle de Sainte-Catherine à l’Ornetu avant d’aller, par un chemin en pente, jusqu’à l’église paroissiale Saint-Clément.
Saint-Pancrace
Tout en haut de Lapedina suprana se dresse, harmonieuse et fière, la chapelle de Saint-Pancrace – San Pancraziu– jeune martyr de l’Eglise primitive. Il s’agit d’un lieu de culte très ancien lui aussi orienté ouest-est. Les croyants du Cap s’y rendaient en pèlerinage. Le bâtiment a été rénové après le terrible incendie de 1990 qui avait détruit une partie de la chapelle par l’Associu curbarese, une association implantée à Lapedina. L’abbé Lhostis raconte un « miracle » qui se serait déroulé à Saint-Pancrace et dont on peut encore voir la trace sous la forme d’une béquille accrochée au fond de la chapelle : elle appartiendrait au maître ébéniste Giovanni, artisan remarquable qui vécut au XIXe siècle. Il était paralysé des jambes et, un jour qu’il était à Saint-Pancrace pour superviser la pause d’une niche en bois monumentale, les ouvriers, pressés de se restaurer, l’oublièrent. « Le menuisier, se voyant abandonné, raconte Lhostis, prit ses béquilles, se traîna jusqu’à la porte péniblement, puis se dressa sur ses jambes paralysées, se mit à marcher aisément et, fou de joie, il rejoignit sa maison après avoir jeté ses béquilles dont il ne se servait plus ».
La chapelle accueille, fin juillet, des pèlerins qui viennent pour la messe annuelle. Des concerts de musique classique ont été organisés par Petra Viva durant les étés 2010 et 2011.