Sentier des sources et rochers remarquables en haute vallée

Balisage jaune. Avril 2007. Photo D.A.Parcours : 6 km A/R
Durée estimée : 2h45

Balisage : rectangle jaune
Dénivelé : 450 m
Départ : hameau de Lapedina suttana
Carte IGN : TOP 25 4347 OT
Le sentier des sources et rochers remarquables en haute vallée

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C’est à coup sûr le sentier le plus difficile mais le plus beau de la « route de l’eau ». On entre dans un monde disparu, la société agropastorale et autosuffisante de la fin du XIXe siècle) qui se laisse deviner par quelques repères ténus. La majesté des lieux -quelque chose d’âpre, de primitif, de simplement grandiose-, la sensation de s’élever entre ciel et maquis, de dominer l’espace, agissent comme un puissant révélateur. Le matin très tôt ou le soir à l’heure du soleil déclinant, le moment peut-être magique.

A l’approche du hameau de Lapedina, la route forme une fourche. A la hauteur du panneau « Lapedina CC » indiqué « impasse », empruntez la route qui grimpe, à gauche. Une centaine de mètres plus loin, un petit espace se dégage sur votre gauche. Prenez soin de garer votre véhicule à cet endroit, non loin de la « Villa des 3 Marie ».

Chêne remarquable. Mai 2011. Photo D.A.

Le chemin commence là. Engagez-vous dans les escaliers qui montent : 38 marches pour vous mettre en jambes. Traversez la route puis reprenez le chemin en face de vous. Il vous conduit au vieux hameau de Lapedina. Au cours de la montée, observez un élevage de cochons et quelques équidés (mulets, poneys) qui vous suivront des yeux. Avant d’atteindre la route goudronnée, vous passez sous les branches d’un auguste chêne (les spécialistes parlent de 450 ans !). Ses branches tortueuses s’élancent des deux côtés du chemin. Il a été classé « arbre remarquable » de Corse.

Départ a Lapedina suprana. Juillet 2011. Photo D.A.

Arrivé sur la partie goudronnée, prenez la route à gauche et allez jusqu’au bout. En face de vous, vous distinguez le portail d’une propriété à l’abandon. Sur votre gauche, un petit pont enjambe un ruisseau, à sec en été. Prenez cette direction. Vous pouvez deviner alors, sur votre droite, la fontaine de Lapedina. Elle mérite le détour.

Chapelle Saint-Pancrace. Avril 2008. Photo D.A.

Revenez ensuite sur vos pas jusqu’à la route. Face à vous, des escaliers en ciment grimpent dans le hameau. Prenez-les et suivez le balisage jaune. Dans la montée qui vous conduit à la chapelle Saint-Pancrace, observez, à gauche, une très grande pierre plate, assez basse. C’est là qu’une habitante du village frottait son linge avant de le laver. Juste en face, à droite, la maison en pierres à la porte en bois bleu n’est autre que la première école du village. Elle a été transformée en gîte rural. Poursuivez votre montée jusqu’à la chapelle, fort bien restaurée par les Lapedinacci, (les habitants de ce hameau historique). La placette engazonnée, le mur-banc d’enceinte en pierres traditionnelles, la vue qui s’offre à vous font de ce lieu l’un des plus attachants de Pietracorbara.

Reprenez ensuite votre montée : le chemin part à droite parmi les maisons effondrées. Vous quittez le hameau par une petite prairie. Donnez un dernier coup d’œil au toit de la chapelle, il ressemble à la proue retournée d’un navire lancé dans le ciel d’azur. Le clocheton rustique, l’humble croix dressée en son sommet sont de belle facture. Le chemin s’élève lentement au milieu des arbres puis tourne à gauche. Vous longez un mur à main droite. C’est l’ancien chemin communal . Il devient assez abrupt et, entre les pierres, on devienne un petit cours d’eau, souvent à sec en été. Après cinq minutes de marche vous atteignez un chemin qu’il faudra prendre à gauche. Pensez à placer une branche ou une pierre de signalement pour, à la redescente, tourner à cet endroit et reprendre le bon chemin à droite, cette fois, pour rejoindre le hameau.

La montée a commencé. Pour vous donner du courage songez que les Lapedinacci empruntaient ce trajet plusieurs fois par semaine. Il conduisait aux plateaux fertiles où poussaient les arbres fruitiers et les céréales. Vous entrez dans un paysage de traces. Elles sont souvent ténues et racontent l’histoire d’une société agro-pastorale et autosuffisante aujourd’hui disparue. Maisonnettes agricoles, aire à blé, murs de soutènement ou de séparation, grottes aménagées pour les bêtes ou pour les hommes, tout cela est bien souvent englouti par le maquis.

Vous atteignez une petite clairière. Reprenez votre respiration en observant le gros rocher qui, à droite, au-dessus de vous, domine le paysage. C’est la petra curbaghja, la pierre qui, selon la tradition, aurait donné son nom à la commune.

Chiuselinu. Photo D.A.

Repartez vers les hauteurs. Après quelques minutes, « l’arche » d’un vieux châtaignier vous accueille. Passé cet endroit, le chemin se divise en deux. D’abord, prenez celui de droite. Arrêtez-vous et faites silence : vous entendez le chuchotement de la source du Chiuselinu (le petit enclos). Faites dix mètres et vous verrez l’eau pure, venue des montagnes. Elle sort d’une bouche moussue. Un verre attend le randonneur. Mais vous pouvez lui préférer vos simples mains pour déguster l’eau cristalline du Chiuselinu.

A cet endroit la petra curbaghja est proche. Vous la voyez à droite de la source. Un chemin permettrait d’y conduire en quelques minutes. Le lieu est important : une source, un enclos, une aire à blé non loin de là et quelques maisonnettes sont dans ce périmètre. L’endroit connaissait une activité agropastorale certaine.

La vallée vue des Lenze. Janvier 2013. Photo D.A.

Reprenez lentement votre montée, elle va durer une bonne vingtaine de minutes. Le sentier est bordé par un épais maquis. Les sangliers profitent du chemin ouvert pour retourner le sol comme jamais. La montée se termine par un plateau (E Lenze) autrefois complanté en céréales. Reposez-vous quelques instants en profitant de la vue sur la vallée. Il vous suffit de vous déplacer sur votre gauche. Vous atteignez un rocher gris cendre recouvert de mousse sèche. Les vastes espaces de la plaine s’étendent jusqu’à la mer. Derrière vous, le cirque du maquis. Au printemps, les bruyères en fleurs éclaircissent de leur blancheur la masse des verts aux nuances infinies. L’arbousier et les cistes dominent, les genêts s’invitent dans le paysage. Le romarin joue sa partition en bleu. En mai, avant les grandes chaleurs, la nature est à son apogée.

Cette toison verte ferait pâlir nos ancêtres : il y a un siècle, tous ces terrains étaient propres et cultivés. L’eau de la source de l’Oriente et le plateau protégé des vents par la barrière montagneuse de l’Alticcione faisaient du lieu un coin fertile. Reprenez le chemin sur la droite. Après une dizaine de minutes, vous atteignez un endroit étonnant : u frate (le moine).

U Frate. Janvier 2013. Photo D.A. U frate. Avril 2007. Photo D.A. U Frate. Janvier 2013. Photo D.A.

C’est d’abord un chaos de pierre verte et rousse. Un beau schiste prêt à l’emploi, des dalles lisses et lourdes, des linteaux déjà taillés par la nature. De la pierre à profusion et, à la pointe de cet espace minéral, une sorte d’animal dressé sur ses deux pattes, un totem à bec, le cou d’un aigle, tête pointée. Nos aïeux qui cultivaient leur imagination religieuse y voyaient un moine de pierre, le capuchon gonflé par le vent. Quelle que soit votre propre interprétation, la beauté du Frate intrigue. C’est le soir, lumière déclinante, qu’il est le plus étonnant. Sa face ouest s’éclaire, blanche et verte, comme le fronton de Sainte-Marie-des-fleurs à Florence. Mais ici la nature est l’unique architecte de « l’œuvre » qui défie le temps.

Reprenez votre marche en direction du nord. Après huit minutes, vous parvenez à un terrain plat ; lui aussi était planté en céréales. Aujourd’hui, c’est le lieu de prédilection de l’hellébore de Corse qui fleurit en décembre. Le terrain, au printemps, est gorgé d’eau. Du gazon sauvage pousse par plaques : le gazon de campu merchju (c’est le nom du lieu-dit) tranche avec l’aridité du lieu. Il paraît aussi vert que du gazon anglais !

La source de campu merchju est à quelques mètres: une large pierre plate vous permet de vous agenouiller pour goûter l’eau. Plus qu’une source, c’est une résurgence : l’eau semble remonter du sable schisteux. L’objet idéal, ici, est une paille pour aspirer ce qui vient des tréfonds. Mais l’eau n’est pas forcément potable.

Feu aux Termini. Juillet 2011. Photo D.A.

Après la source, vous abordez la dernière étape du circuit. Très vite, vous apercevez l’un des deux gros rochers qui marquent la fin de la balade. Ces deux gros rochers qui, du bas de la vallée, paraissent n’en faire qu’un, sont maintenant séparés. Ils ressemblent à deux grosses molaires plantées dans la gencive de la falaise. Le rocher nord est tout en rondeurs, en protubérances douces. Le vent a raboté la roche. La lumière se joue des anfractuosités de la masse minérale. Il y a quelque chose du temple d’Angkor dans cette élévation-là.

Le rocher sud, celui que l’on aborde en premier, est plus étonnant encore. D’un côté il est, lui aussi, tout en rondeur et surmonté d’une pierre qui paraît tenir à un fil. De l’autre, côté « intérieur », celui qui fait face à l’autre rocher, il tombe droit, comme taillé à la serpe.

Une partie de la roche est littéralement colonisée par un lierre magnifique, sorte de toison verte qui adoucit la sévérité de l’ensemble. Entre les deux rochers, des murs de pierre ont été montés comme dans l’urgence. Ici, les hommes ont aménagé une bergerie sommaire pour les temps estivaux. Le rocher nord forme un auvent massif. On pourrait y dormir la nuit et s’assoupir en regardant les étoiles.

L’ensemble est sans apprêt, brut et beau comme le lieu. Un peu plus loin, vers Cagnano, montez sur le rocher au bout de l’à-pic. C’est un point de vue exceptionnel sur les vallées de Pietracorbara, Cagnano et Luri. Côté mer, l’archipel toscan s’offre à vous, avec du nord au sud, Capraia, l’île d’Elbe, Monte Cristo et Pianosa qui se détachent nettement par temps clair. Ces îles, posées sur la mer, vous paraîtront très proches.

Vous êtes arrivé aux termini, au point septentrional du sentier, au bout du territoire communal de Pietracorbara, à la « frontière » avec Cagnano. A gauche (ouest) l’Alticcione (1 138 m) se tient à distance. Il ne se laisse pas approcher facilement.

Il ne vous reste plus qu’à redescendre par le même chemin. Mais, à la descente, le sentier vous offrira – vous verrez – de nouveaux paysages.

Vue de la vallée depuis I Termini. Avril 2007. Photo D.A.

2. Balade des ponts et des fontaines